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Les axes du projet scientifique 2022-2026 sont les suivants:
Dans la plupart des conflits ou frictions politiques, sociales et culturelles, une question centrale et clivante se pose fréquemment : celle des priorités. En effet, les acteurs concernés débattent alors sur les urgences qui doivent être priorisées par rapport aux autres. Dans un contexte tendu (crises, situations concurrentielles et anxiogènes), où s’exercent des pressions fortes sur les populations, il s’agit d’interroger comment les individus, les groupes et les sociétés réagissent, réfléchissent et construisent leur vision du monde pour se mettre en action ou, au contraire, entretenir l’inertie.
Cette inertie peut être entretenue parce qu’elle sert les intérêts de certains groupes, mais elle peut aussi être la conséquence d’autres mécanismes, tels que le déni, la division, le déficit de moyens, ou encore les processus d’inhibition d’ordre émotionnel notamment. On pensera aux pressions économiques et politiques liées au capitalisme, au néolibéralisme et à ce que l’on nomme à présent l’anthropocène, qui entrent en concurrence avec les considérations environnementales, sociales et éthiques ou morales. Puisque le débat politique se cristallise généralement autour de la notion de responsabilité, on s’intéressera aussi particulièrement aux stratégies développées consciemment ou inconsciemment par les humains pour échapper aux réalités du temps présent, éluder les enjeux du futur et renier les coûts du passé.
L’un des axes choisis pour étudier la question de l’équilibre des pouvoirs propose d’appréhender les mises en scènes du corps comme objet de contestation. Le corps physique, politique, culturel, abordé d’un point de vue pluridisciplinaire par des spécialistes en études civilisationnelles, interroge en effet les territoires, les identités et les discours dans leurs évolutions et leurs conflits dans différents contextes nationaux et internationaux.
Cette thématique encourage à s’extraire des ancrages disciplinaires tout en croisant les savoirs et les représentations des tensions – environnementales, économiques, historiques, ou éthiques – propres aux espaces globalisés contemporains. Nous faisons l’hypothèse que les récits et les perceptions du corps comme support de recherche permettront de mieux comprendre les équilibres naturels et humains et par extension, les pressions que les sociétés et les cultures doivent prendre en compte actuellement. Le corps comme sujet culturel et projet politique nous renseignera de manière sensible sur les centres et les marges qui conditionnent les identités.
Le corps se trouve au centre des interactions sociales, et en tant que tel, il a été utilisé pour hiérarchiser l’espace social. Il a été au cœur de la production des inégalités sociales liées à la classe, au genre et à la race. Sa visibilité ou son invisibilité ont déterminé sa place dans la société, dans les lieux publics et dans les organes de pouvoir. Ainsi, les femmes et les minorités raciales, ethniques et sexuelles ont été reléguées aux marges de la société. Les femmes, par exemple, ont été cantonnées pendant longtemps dans la sphère privée, la sphère publique étant le domaine réservé aux hommes. Du fait de cette hiérarchisation de l’espace, le corps des femmes a été instrumentalisé et contrôlé, notamment d’un point de vue légal (question de l’avortement ; feme covert, etc.) et visuel (vêtements entravant ou limitant les mouvements, dictat de l’apparence physique, etc.).
De même, les minorités raciales, ethniques et sexuelles ont vu leur corps contrôlé (esclavage puis ségrégation ; stérilisation forcée ; pénalisation de l’homosexualité) et leur identité marginalisée, rendue ou restée invisible. Les mouvements sociaux qui se sont développés dans les années 1960 et 1970 dans plusieurs sociétés occidentales avaient pour objectif de permettre aux femmes et aux minorités de reprendre le contrôle de leur corps, de sa place et de sa représentation dans l’espace social et politique. Si des progrès ont été accomplis dans ce sens, dès les années 1980, les femmes, les minorités raciales, ethniques et sexuelles ont dû faire face à une remise en question de leurs acquis. Ainsi, dans certains pays, le droit des femmes à disposer de leur corps s’est vu limiter, avec le renversement de Roe V. Wade (1973) par la Cour Suprême des États-Unis en 2022, ou encore en Pologne en 2020. En outre, on a vu augmenter les cas de harcèlement, de viols et de féminicides dans plusieurs pays.
Les femmes n’ont pas été les seules à être confrontées à des atteintes à leur intégrité physique. En effet, les violences policières se sont multipliées ces dix dernières années. Face à ces atteintes aux corps des femmes et des minorités, des mouvements tels que #MeToo ou Black Lives Matter se sont développés pour les dénoncer. On pourra se demander dans quelle mesure ces corps-à-corps avec l’ordre établi et le groupe dominant peuvent contribuer à démarginaliser et revaloriser les corps et ainsi conduire à un renouveau, comme on peut déjà le constater avec le brouillage de la frontière entre les genres incarné par les personnes non binaires et les transgenres, par exemple.
La notion d’un « corps politique » trouve son origine dans l’Antiquité. Avec la modernité, cette représentation a perduré. Chez Montesquieu, l’État incarne le corps social. Cette « naturalisation » du corps politique, et du corps social, a été longtemps utilisée dans la justification des dominations. La crise contemporaine de l’autorité politique, amène à tenter de cerner la manière dont la métaphore du corps a longtemps occupé une place qui permettait de penser le politique, et donc le corps social et l’État. Car si le « corps politique » se maintient, sa représentativité est incertaine. Le corps politique n’est plus cette métaphore performative qui pérennise le lien collectif et institue les pouvoirs sur le sujet. Il se morcelle de toutes parts. Les gouvernants s’attachent ainsi à qualifier le corps politique de « grand corps malade », tandis que les gouvernés assimilent leurs représentants politiques à un corps étranger incapable de jouer un rôle d’incarnation du fait social.
Dans le but d’élargir la réflexion, l’un des sous-axes de l’axe 2 aura pour objectif d’analyser le lien entre corps et image, et plus particulièrement l’image fixe (photographie, peinture murale, graffiti, etc.). Comme le souligne Barthes dans La Chambre obscure à propos de la photographie, l’image) fixe « un moment », un « ça a été », qui se reproduit à l’infini, opère dans le présent et devient un élément constitutif du corps politique et social. Ce sous-axe tentera d’analyser comment l’image du corps est utilisée tantôt comme outil de pouvoir, tantôt comme objet de contestation du pouvoir. Seront abordés : la revendication de liberté des corps et, corrélativement, le contrôle, la surveillance et l’assujettissement du corps politique et social à travers l’image.
La discipline civilisation, établie il y a plus de cinquante années, peine toujours à fonder sa légitimité. Plutôt que d’invalider son existence, ce constat peut mener à penser qu’elle résiste bien, dans la durée, à des forces contraires. Longtemps sous la coupe de la discipline littéraire dans les départements de langue, elle s’est centrée au départ sur des études thématiques sur les pays étrangers, puis a revendiqué une assise plus complète dans le cadre des études « aréales » qui ont ouvert la voie à des études comparatives.
On retrouve là la proposition de l’anthropologue Maurice Godelier qui dès 1977 justifiait la discipline civilisation ainsi « On passe d’une culture spécifique, un ensemble géographiquement localisé, historiquement constitué, puis de là à des phénomènes de civilisation ». En ajoutant ensuite « qu’une société n’existe jamais isolément » et « que l’analyse d’une société n’a pas de sens isolément ».
Un des problèmes de la discipline civilisation pourrait être que comme pour les études coloniales, elle n’a pas suffisamment su ancrer le renversement épistémologique amorcé suite à l’accès à l’indépendance des ex-colonies ainsi que suite au mouvement de revendication des identités minoritaires à partir des années 1960. Au cœur de cette hypothèse, la question de l’altérité. Comment passer de l’organisation du racisme systémique (voir les « zoos humains ») à une recherche qui permettrait d’objectiver la prise en compte des altérités, toujours prégnantes dans l’étude des sociétés… autres.
Dans le cadre de l’État nation, ce renversement n’a pas eu lieu, il s’est limité à un changement partiel, insuffisant pour traduire les réalités minoritaires. Le cadre des propositions scientifiques et politiques reste souvent celui du groupe dominant. Il en résulte une accumulation de décalages entre réalités sociales et programmes scientifiques et politiques. Ainsi au sein des états démocratiques, des zones d’ombre et de silence épistémologiques se maintiennent. En France par exemple, le modèle d’intégration républicain fondé sur le travail, l’éducation et la laïcité occulte les autres réalités des personnes plus ou moins nouvellement arrivées. Les nécessaires situations transitoires sont occultées et à l’origine d’inerties sociales et scientifiques.
La tentative de donner la parole aux premiers concernés ne dépasse pas le cercle des personnes soucieuses d’une élévation collective qui permettrait de dépasser ce qui sépare les humains, et qui est présente dans l’histoire de toutes les civilisations.
Pourtant des progrès sont possibles. Au Canada, dans le cadre d’un processus national de réconciliation avec les populations autochtones, ces derniers ont trouvé la légitimité et le cadre pour, en fait, achever le principe du renversement épistémologique et prendre eux-mêmes la parole, pour exprimer leurs réalités sur les plans artistiques, littéraires et scientifiques. Ce processus en cours montre que pour qu’un renversement épistémologique puisse avoir pleinement lieu, il faut qu’il soit accompagné par un renouvellement paradigmatique. Ce repositionnement implique, en préalable, le dépassement de l’inertie générée par des relations d’altérités occultées. Or au-delà même de la problématique de l’État nation monoculturel et monologique qui entretient l’ethnocentrisme et l’épistémocentrisme, les chercheurs en SHS doivent prendre en compte l’influence désormais globale et donc supra étatique du système et de l’idéologie du néolibéralisme.
Bourdieu a dénoncé la complaisance des chercheurs face à la tentative d’auto-légitimation du néolibéralisme. Nous sommes donc dans ce contexte scientifique très complexe où des ruptures paradigmatiques ne produisent pas ou pas encore un renouvellement des théories et des typologies du politique en l’occurrence. La dynamique épistémologique est apparemment en panne.
Il y a donc clairement de nouveaux équilibres à trouver entre les approches disciplinaires afin répondre au défi de la compréhension des mutations actuelles. Ce travail de remise en question nécessite de continuer à travailler à une historicisation (notamment par le biais de nos études diachroniques sur l’articulation entre identité, culture et politique) et à une recontextualisation des épistémologies en civilisation, ainsi qu’à de nouvelles approches méthodologiques fondées sur le travail en équipe et sur le croisement des savoirs mais aussi à un travail d’objectivation qui passe en particulier par une pratique réflexive.
Il serait important de mieux faire fructifier les expériences multiples acquises en études civilisationnelles souvent sans direction disciplinaire claire ou distincte et de modéliser en ce sens des approches interdisciplinaires. Le passage de la pluridisciplinarité à l’interdisciplinarité implique une modélisation de nos approches qui fait défaut en civilisation ou en tous les cas qui n’est pas promue en tant que telle.
Notre travail ou connaissance spécifique du terrain peut là aussi être au cœur de la réflexion épistémologique à mener. Ainsi l’interdisciplinarité peut se fonder sur une approche micrologique en parallèle d’approches macrologiques plus classiques. Si l’on prend le cas de l’histoire, nous menions déjà des approches d’ordre microhistorique avant que le renversement de la perspective colonialiste nous conduise à une relecture des histoires sociales. L’articulation entre histoire et ethnographie puis sociologie ou anthropologie pourrait, pourrait être au cœur de notre singularisation méthodologique.
En 2022, la FE2C a obtenu le financement d’un projet de recherche intitulé « Équilibre des pouvoirs », UP-SQUARED, projet France 2030, PIA4 “Excellences sous toutes ses formes” (ANR-21-EXES-0013). Ce financement a permis l’organisation de plusieurs manifestations scientifiques sur les thèmes de la crise des institutions et des mouvements sociaux (voir ci-dessous).
Les manifestations scientifiques organisées par les civilisationnistes du MIMMOC et de la FE2C témoignent à la fois d’une collaboration régulière entre spécialistes de différentes disciplines, d’un intérêt pour les questions de démocratie, tout comme d’une approche décloisonnée de la recherche. En témoigne le colloque international « Après la crise : justice, institutions, médias », organisé à l’occasion de l’entrée de l’université de Poitiers dans le Master Initiative in Peace and Conflict Studies du groupe Coimbra, qui a réuni en 2021 des chercheurs en civilisation, droit, philosophie, sciences politiques et communication. Ou l’ouvrage Constitutions under pressure : France and the United Kingdom in an age of populism and Brexit (2021) qui, à partir d’analyses de juristes, politistes, historiens et spécialistes des civilisations britannique et irlandaise, s’interroge sur les conséquences des crises du Brexit et des Gilets jaunes sur le parlementarisme, l’unité du Royaume-Uni et de la France, et la capacité de résilience de leurs systèmes constitutionnels.
Objectifs scientifiques
Le projet FE2C-EDP entend poursuivre la réflexion autour des équilibres de pouvoirs et de la (re)définition des relations entre pouvoirs institutionnels, que ce soit au niveau international, régional ou national, sous l’effet des « populismes », nationalismes et des mouvements de protestation sociale ou de désobéissance civile qui en Europe occidentale et dans les Amériques, contestent de plus en plus le modèle de démocratie représentative, les atteintes aux droits et libertés individuels en argant du pseudo-argument culturel pour remettre en cause l’universalisme des droits de l’Homme et le primat de la logique économique libérale.
Il regroupe des chercheurs en civilisation (MIMMOC, FE2C), Droit et Science politique (CECOJI), Linguistique-Littérature (FORELLIS) et Communication (POLCOM-GRT Barcelone), dont les thèmes de recherche portent sur la crise des institutions, les demandes de changements politiques et sociétaux, les enjeux contemporains des droits humains ainsi que sur les nouvelles formes de mobilisation citoyenne (registres d’action, discours, médiatisation).
En 2022-2023, le projet FE2C-EDP a organisé les événemements scientifiques suivants:
Valorisation de la recherche
Les activités du projet FE2C-EDP ont fait l’objet d’un article dans l’édition du 7 juin 2023 du journal Diari de Barcelona.
Les membres du projet FE2C-EDP ont également apporté leur expertise durant plusieurs manifestations culturelles, telles que la projection du documentaire « Bidasoa », qui s’est tenue le 9 avril 2024 au cinéme Le Dietrich en présence du réalisateur ou dans le cadre de l’édition 2024 du festival Filmer le travail.