Dans le cadre de l’appel à projets interne « Impulsions Interdisciplinaires » du programme Up-Squared, financé par le PIA 4 « ExcellencES sous toutes ses formes » de France 2030 et suivi par l’ANR, la Fédération des Études de Civilisation Contemporaine (FE2C) a développé un axe de recherche sur la (re)définition des relations avec les pouvoirs institutionnels dans un contexte où, sous l’effet des populismes et des extrémismes, la démocratie représentative est de plus en plus remise en cause.

Regroupant des chercheurs en civilisation de la FE2C (MIMMOC, REMELICE, EHIC, D2IA), Droit et Science politique (CECOJI), Linguistique-Littérature (FoReLLIS) et Communication (POLCOM-GRT Barcelone), le groupe « Équilibre des pouvoirs » s’intéresse à la crise des institutions, aux demandes de changements politiques et sociétaux, aux enjeux contemporains des droits humains ainsi qu’aux nouvelles formes d’action collective. Il présente ici une exposition retraçant dix ans de protestation et de désobéissance civile en Navarre (Espagne) à travers le regard de Joxe Lacalle Huarte.

Je me révolte, donc nous sommes

La crise financière de 2008 et les politiques d’austérité qui lui ont succédé ont conduit à l’avènement d’un troisième cycle historique de l’action collective à partir de 2010 (Ibarra, 2023). Ce cycle s’est caractérisé par de nouvelles revendications – à la fois locales et globales – et de nouvelles formes d’action, d’organisation et de communication. D’Occupy Wall Street aux États-Unis aux Gilets Jaunes en France, en passant par les Indignés en Espagne ou « Je suis le 132 » au Mexique, la société civile s’est notamment engagée dans des stratégies de (ré)appropriation de l’espace public et de désobéissance civile.

En réaction à celles-ci, les pouvoirs exécutif et législatif ont cherché à renforcer les institutions et « l’autorité » de l’État. De nouvelles lois (comme la « Loi bâillon » de 2015 en Espagne ou la Loi de sécurité globale de 2020 en France), ont été créées pour limiter l’expression de la colère sociale face à la détérioration du pouvoir d’achat, la privatisation des secteurs publics ou l’inaction en matière de climat et de pauvreté. Inversement, très peu de débats ont porté sur le renforcement des garanties citoyennes.

 La protestation, pourtant, est un exercice de démocratie. Comme disait Albert Carmus dans L’Homme révolté, « Dans l’épreuve quotidienne qui est la nôtre, la révolte joue le même rôle que le cogito dans l’ordre de la pensée : elle est la première évidence. Mais cette évidence tire l’individu de sa solitude. Elle est un lien commun qui fonde sur tous les hommes la première valeur. Je me révolte, donc nous sommes ».

C’est précisément parce qu’il convient de défendre la liberté d’expression et la valeur de la protestation pacifique que nous souhaitons, à travers cette exposition, rendre hommage aux citoyennes et citoyens qui se sont unis dans la volonté de construire une société plus juste sur le plan social et environnemental.

 

Joxe Lacalle Huarte (1951)

Joxe Lacalle Huarte est né à Etxauri (Navarre) en 1951. Il fait ses premiers pas dans le bar « Casa Lacalle » de ses parents, dont il reprend l’exploitation avec sa compagne en 1974. Parallèlement à son emploi principal, il suit des cours de photographie à distance et commence à collaborer pour le journal Egin, qui l’engage au sein de sa rédaction de 1988 à 1998. Durant sa carrière, Joxe Lacalle a été témoin de tous les événements politiques, sportifs et culturels de son Pays basque natal. Mais c’est sur le front des luttes sociales que son regard s’est le plus souvent posé.  « J’ai toujours eu l’honneur d’être le témoin de la voix de la rue, de toutes les luttes et dénonciations de mes compatriotes. À de nombreuses reprises, des groupes sociaux sont venus me demander telle ou telle photo pour faire une affiche, un autocollant, pour illustrer un magazine. J’y ai toujours renoncé, car la réalité reflétée par ma photographie est celle que nous voulions tous changer ».